Jacopo Peri Giulio Caccini
Deux chanteurs virtuoses, deux compositeurs qui allaient révolutionner l’art du chant.
En cette fin de XVIème siècle, la cité de Florence se prépare à accueillir une fête extraordinaire ; on célèbre le mariage de Ferdinand de Médicis et de Christine de Lorraine.
Les plus grands chanteurs, les instrumentistes les plus virtuoses sont réunis pour participer à ces réjouissances qui donneront le jour à une œuvre musicale sans pareil, « Les intermèdes de La Pellegrina », qui nous fait basculer dans l’ère baroque, en laissant derrière nous la Renaissance et ses grandes compositions contrapuntiques.
La direction musicale est confiée à Emilio de Cavalieri, assisté de Jacopo Peri et Giulio Caccini.
Ces trois musiciens partagent la même croyance en un nouveau style de musique, qui vise à abandonner l’écriture polyphonique au profit d’une musique soliste, confiant les sentiments du texte à une seule voix.
Car comme le disait Vicenzo Galilei :
« Plus le nombre des voix qui chantent ensemble est grand, moins on pourra saisir le sens de l’aria en question et moins son caractère émouvra l’âme des auditeurs . ».
Cette nouvelle musique a vu le jour dans les salons florentins, où se réunissaient des cercles de penseurs, philosophes, et musiciens.
Caccini avait vingt ans lorsqu’il fréquentait la Camerata Bardi.
Il en a 50 lorsqu’il publie « le Nuove Musiche », recueil de monodies qui connut un succès tel qu’on en compte deux ré-impressions du vivant de l’auteur.
Caccini cite cette phrase dans sa préface :
« La musique n’est pas autre chose que le texte, le rythme, et enfin le son, et non le contraire… elle doit pouvoir pénétrer dans les esprits d’autrui et produire ces merveilleux effets qu’admirent les écrivains. »
Jacopo Peri fréquentait les mêmes lieux que Giulio Caccini.
Il jouait de l’orgue et des instruments à clavier, mais était également un chanteur reconnu.
Nous avons quelques lettres de Pietro Bardi qui résument bien la complicité-rivalité qui unissait les deux musiciens.
Pietro Bardi :
« Jacopo Peri, en rivalisant avec Giulio, acheva l’entreprise du style représentatif, et, évitant une certaine rudesse et un archaïsme que l’on entendait dans les musiques de Galilei, adoucit, de pair avec Giulio, ce style, et le rendit apte à mouvoir les passions de l’âme d’une façon rare, ce qui, avec le temps, fut fait par l’un et par l’autre.
C’est pourquoi ils acquirent le titre de premiers chanteurs et d’inventeurs de cette façon de chanter et de composer. »
« Peri avait plus de science, et ayant trouvé le moyen d’imiter le parler familier, en utilisant peu de notes et une précision exemplaire, il se fit une grande réputation.
Giulio avait plus d’élégance dans ses inventions. »
Plusieurs enregistrements discographiques ont déjà été consacrés à Giulio Caccini et ses « Nuove Musiche ».
Quelques pièces de Peri ont également été enregistrées au sein de différentes anthologies dédiées à la monodie florentine.
Mais il nous a semblé intéressant de mettre en parallèle le génie de ces deux grands musiciens.
D’explorer deux mondes, où le langage et les principes de composition sont certes très proches, mais où la sensibilité et la manière d’émouvoir n’ont rien à voir.
Ces pièces monodiques sont pensées pour être chantées avec pour seul accompagnement un instrument à cordes pincées, afin d’exprimer au mieux les passions humaines.
Si Peri et Caccini s’accompagnaient souvent eux-mêmes, ils se produisaient également entourés de certains membres de leur famille.
Ainsi la dimension familiale de ce duo s’inscrit tout naturellement dans la lignée de ces grands musiciens…