Exploration de l’évidence…
Gabriel Fauré et ses mélodies arrivent généralement très tôt dans la vie de l’apprenti chanteur. Les classes de chant exploitent grandement ce répertoire pour former les jeunes voix. Ces mélodies les accompagnent donc tout au long de leur parcours, mûrissent avec elles et raviveront plus tard le doux parfum des premiers émois vocaux. L’approche de la musique instrumentale de Fauré, singulière, complexe et secrète, pourrait ne pas être aussi immédiate pour un jeune pianiste, tant d’autres “seigneurs”, Bach, Mozart, Schumann, Chopin, Debussy, forment son quotidien. La largeur d’esprit des professeurs de piano, mais aussi de formation musicale, de musique de chambre ou de littérature, permet heureusement de créer d’autres rencontres musicales, particulièrement dans le genre de la mélodie que Fauré a porté au plus haut et qui peut frapper d’éblouissement.
Au sein de notre travail en duo, qui se poursuit depuis plus de quinze ans, le répertoire des mélodies fauréennes a toujours résonné comme une évidence, une joie profonde de parcourir ces pages d’un même souffle, sans nécessité de parler, comme une randonnée côte à côte où les paysages se contemplent en silence, où les mots sont superflus… Car l’éloquence de la musique de Fauré, son union sensuelle au texte, son extraordinaire évolution dont le choix des poètes est l’étroit reflet, sont un enchantement. Ainsi, pour choisir les mélodies de ce programme, nous nous sommes seulement laissé guider par la grande diversité des poètes que Fauré a mis en musique. Leur enchaînement chronologique nous a paru pertinent afin de mieux saisir le cheminement du compositeur avec ce genre qu’il a chéri tout au long de sa vie. Notre choix s’est toutefois limité aux mélodies isolées ou provenant d’opus non thématiques – les cycles, dont les mélodies nous semblaient indissociables, ne sont donc pas représentés ici.
On sait que Fauré écrivait aussi bien pour les grandes voix lyriques de son temps (comme Pauline Viardot par exemple) que pour des chanteurs amateurs ou pour lui-même dès lors qu’il a dû faire face à sa surdité. C’est pourquoi la vocalité de ce programme se veut plurielle et volontairement naturaliste. Le terme “chanson” figure au cœur de nombre de titres des mélodies. C’est donc en “chansonniers” que nous avons abordé cette musique qui, bien que très savante, va droit au cœur.
MARC MAUILLON & ANNE LE BOZEC